Le 17 mai 2025, lors de la Japan Touch à Lyon, l’émission L’R du jeu accueillait quatre figures emblématiques du doublage français : Tanguy Goasdoué, Jérôme Pauwels, Antoine Nouel et Constantin Pappas. L’occasion idéale pour lever le voile sur les coulisses d’un métier où la voix devient l’âme des plus grands héros de fiction. Comment forgent-ils l’identité vocale de personnages cultes ?
Quelles sont les évolutions du métier, et quels défis guettent le secteur face à l’émergence de l’IA ? Plongée au cœur d’une passion partagée.
Les voix derrière vos personnages favoris
Les invités n’étaient pas de simples anonymes de l’ombre.
Tanguy Goasdoué, la voix de Rick dans The Walking Dead, Cloud dans Final Fantasy ou encore Zachary Levi dans Shazam, rappelle combien le jeu vocal sculpte la mémoire des spectateurs.
Du côté de Jérôme Pauwels, voix de Woody Harrelson dans Hunger Games, du Punisher ou d’Hawkeye, chaque collaboration révèle la diversité et la profondeur du registre.
Antoine Nouel, quant à lui, évoque son long parcours et notamment son implication dans Dragon Ball, saluant les talents de ses confrères – mention émue pour Éric Legrand, voix de Vegeta.
Constantin Pappas, voix française de Steve Carell ou du Spectre dans Destiny, n’est pas en reste, rappelant au passage l’aspect intergénérationnel de personnages comme Shiryu de Saint Seiya ou Mathieu dans Sakura.
Art et technique : le quotidien du comédien de doublage
Si le public imagine souvent le doublage comme un simple exercice d’imitation, les comédiens rappellent l’équilibre subtil à trouver entre technique et interprétation.
Pour Antoine Nouel, “le jeu vidéo, c’est du karaoké”, tant il s’agit parfois de calquer la voix sur des rythmes préenregistrés en anglais ou japonais. Mais ce travail technique ne doit pas faire oublier la dimension artistique.
Tanguy Goasdoué insiste : “Un rôle, c’est d’abord une énergie”, celle du personnage qu’il faut ressentir et transmettre, au-delà du physique de l’acteur original.
Le doublage d’animation se distingue par une liberté de ton et d’invention, poussant les comédiens à “rajouter leur couche personnelle” pour enrichir les personnages. À l’inverse, le doublage d’œuvres en prise de vue réelle requiert plus de subtilité, pour coller à l’émotion de l’acteur à l’écran et éviter toute trahison du jeu original.
Les mutations du secteur : reconnaissance et controverses
Les invités reviennent également sur l’évolution du regard porté sur leur métier. Jadis perçus comme des “sous-comédiens”, les artistes du doublage voient enfin leur métier reconnu grâce à l’intérêt croissant des conventions, des médias et du public.
Mais cette reconnaissance s’accompagne de nouveaux défis : la montée des “Star Talent”, ces célébrités sollicitées pour leur notoriété et non pour leur compétence vocale, génère débats et frustrations parmi les professionnels.
Si certains acteurs connus excellent dans l’exercice, beaucoup touchent des cachets faramineux pour des résultats variables, soulignant l’inégalité de traitement avec les comédiens spécialisés.
L’intelligence artificielle, menace ou opportunité ?
L’une des préoccupations majeures exprimées lors de la table ronde touche à l’essor de l’intelligence artificielle. Si l’IA peut générer des voix de synthèse convaincantes, nos invités insistent sur ce qui fait la magie du doublage : l’humanité, les imperfections et le lien du cœur entre l’interprète et le spectateur.
Jérôme Pauwels alerte : “La perfection, ce n’est pas vivant.” Tanguy Goasdoué enchérit : “Je ne veux pas qu’une machine prétende me faire pleurer”. La défense farouche de la VF et de la création humaine face à la technologie devient ici un véritable cri du cœur.
À travers cette table ronde animée, ce sont autant de voix que de générations qui témoignent de la richesse du doublage français. Artisans passionnés, techniciens méticuleux et créateurs d’émotions, les comédiens de doublage restent essentiels pour donner vie à nos univers imaginaires. Leur combat pour la reconnaissance et la préservation du métier, à l’heure des IA, mérite plus que jamais d’être soutenu : “Le divertissement, ça reste un message d’un cœur qui est envoyé vers un autre cœur.” Longue vie à la VF !